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Libération

«Des gens meurent encore tous les mois»

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publié le 3 décembre 2003 à 2h10

Champa Devi Shukla avait 30 ans au moment du drame. Cette nuit-là, elle dormait chez elle, à 500 mètres de l'usine, pelotonnée sous des couvertures pour lutter contre le froid. Soudain, le bruit la réveille. Une cavalcade, des cris. «Sortez vite ! Il y a une fuite de gaz !» Elle ne comprend pas, ne sait pas que le gaz peut servir à autre chose qu'à la cuisine. Elle sort à la hâte et croit mourir. Son nez et ses yeux gonflent, ses poumons se remplissent d'eau, sa peau brûle, elle ne peut plus respirer. Autour d'elle, des gens gémissent : «Mon Dieu! ... Donne-moi la mort ! J'ai trop mal !»

Comme des feuilles mortes. Aujourd'hui, elle a 49 ans mais en paraît 20 de plus. «J'ai en permanence mal à la tête, mes os me font mal, je ne digère plus rien...», dit-elle, petite chose ratatinée dans la grande halle de la Villette où elle est venue témoigner avec son amie Rashida Bee lors du Forum social européen, à la mi-novembre. Elle a perdu deux fils, de 18 et 20 ans, poumons détruits,six ans après la catastrophe, et son mari huit ans plus tard, d'un cancer. Sa plus jeune fille est devenue paralysée en 1985, et son seul fils a donné naissance il y a trois ans à une petite fille sans lèvres. Plutôt que de sombrer dans son malheur, Champa a décidé de se battre. Elle milite dans une des associations membres de la Campagne internationale pour la justice à Bhopal, une association de femmes victimes du désastre. Pourquoi des femmes ? «Ce sont elles qui font face à toutes les difficultés de la