Vingt ans pour passer des beurs aux musulmans ? Il y a vingt ans, la France réalisait que la main-d'oeuvre bon marché qu'elle avait fait venir dans les années 60 avait des enfants. Souvent français pour être nés dans l'Hexagone, mais traités comme des citoyens de troisième zone dans des banlieues ghettos où violences policières, racisme et discrimination étaient le lot quotidien. Le coup de gueule de jeunes Arabes pour obtenir droit de cité dans leur pays les pousse jusqu'à l'Elysée. Mitterrand, qui vient de se convertir à la rigueur en économie, leur promet de changer leur vie. Et leur assure que le droit de vote des étrangers est bien l'une de ses préoccupations. Cinq alternances plus tard, le droit de vote n'est toujours pas là, l'intégration demeure un horizon et Le Pen a atteint le deuxième tour d'une présidentielle. La gauche, au passage, y a perdu sa crédibilité. La droite, qui n'avait rien promis, a récupéré les beurs. Lesquels ont retenu des deux décennies que le salut est moins à chercher dans le collectif, en politique, que dans la réussite individuelle, réelle chez quelques trop rares. Pour la favoriser, le ministre de l'Intérieur propose de la jouer aujourd'hui à l'américaine. L'Etat aidera non plus le beur gamin de banlieue mais le «musulman». Une «discrimination positive» fondée non sur une juste revendication égalitaire mais sur une différence cultuelle. Une hérésie, eu égard aux valeurs de la République laïque. Une régression, surtout. Comme celle qui amène,
Éditorial
Régression
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publié le 3 décembre 2003 à 2h10
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