Samedi 3 décembre 1983. Quelques marcheurs, rejoints par 100 000 personnes, font chavirer Paris. La France découvre les beurs, et se rêve soudain généreuse, plurielle, multicolore. La marche venait après de nombreux crimes racistes. Toumi Djaidja, 19 ans, habitant des Minguettes, dans la banlieue de Lyon, avait été blessé par un policier. L'association SOS Avenir Minguettes, soutenue par Christian Delorme, jeune curé de Saint-Fons, avait lancé l'idée d'une marche. «Jamais je n'aurais pensé qu'un petit groupe de beurs pourrait être accueilli de cette façon à Paris et à l'Elysée», se rappelle Djamel Atallah, à l'époque trésorier de l'association. Aujourd'hui, il conseille les jeunes issus de l'immigration qui veulent travailler dans la sécurité. Il déplore qu'il n'y ait jamais eu «d'après-marche». Selon lui, les premiers acteurs «n'ont pas été valorisés», et la lutte contre les discriminations n'a pas été prioritaire. Toumi Djaidja, le blessé de l'époque, relativise. «Beaucoup des anciens marcheurs dressent un discours négatif sur les retombées, reconnaît-il. Mais il ne faut pas oublier qu'à l'époque, des jeunes mouraient presque tous les jours. Il y a tout de même eu une prise de conscience.» Empreint d'islam et de non-violence, il dit préférer «comprendre les différences plutôt que dénoncer». Aujourd'hui, il tient un petit commerce.
Inégalités. En vingt ans, malgré les multiples «plans Marshall», les ghettos se sont renforcés. Dans cet enfermement spatial, il fallait s'intégr