«Ils finiront par la déposer à nos pieds, cette liberté, en disant : réduisez-nous en servitude, mais nourrissez-nous» : le pacte entre peuple et pouvoir, décrit par le Grand Inquisiteur qu'imagine Ivan Karamazov dans le roman de Dostoïevski résume celui que Vladimir Poutine va faire entériner par les Russes dimanche. Les nihilistes de la fin du tsarisme y répondaient par une terreur aveugle, à laquelle fait écho celle des islamistes tchétchènes. Dostoïevski en aurait conclu qu'en Russie davantage qu'ailleurs, tout change, pour que rien ne change.
Après des siècles de despotisme tsariste, des décennies de totalitarisme communiste, il aurait été miraculeux que la jeune démocratie russe (treize ans à peine) soit autre qu'imparfaite. L'essor du poutinisme, variante locale d'un autoritarisme qui prospère partout en promettant le retour à l'ordre, flattant le nationalisme, et assurant un minimum de confort matériel, est peut-être inévitable. Vladimir le Terrible a fait campagne en appliquant un programme simple : il a remis les oligarques à leur place (en prison), les médias au pas (celui de l'oie), «buté les terroristes jusqu'aux chiottes» et assuré une croissance de 5 % l'an. Il est plébiscité par plus de 70 % de ses concitoyens, son parti assuré de monopoliser la Douma transformée en chambre d'enregistrement du Kremlin. De plus il est un allié dans la guerre au terrorisme.
Mais ce genre de «démocratie contrôlée» par un homme fort, à parti quasi unique, où l'Etat est aux mains d'