Kass (Darfour), envoyé spécial.
«Deux, un, trois, un, un, deux...» Une vingtaine d'hommes, les djellabas couvertes de poussière, sont réunis en cercle au centre d'une cour d'école de Kass. La main levée, ils se livrent à un décompte macabre. Chacun à son tour, ils annoncent combien d'enfants ils ont perdu depuis la première attaque des miliciens arabes Jenjawids contre leur petite ville, Kaileck, début février. Des enfants déjà grands comme des nourrissons, les assaillants n'ont pas fait de détail. Depuis seize mois, la guerre civile au Darfour, qui a déjà fait 10 000 morts selon l'ONU, s'apparente à une véritable guerre contre les civils menée par les Jenjawids, aidés et armés par l'armée gouvernementale. Ce «nettoyage ethnique» visant les tribus africaines locales (Fours, Zaghawas et Massalits) s'opère en toute impunité et sans témoin dans cette région de l'ouest du Soudan, grande comme la France.
Quelque 14 000 personnes vivaient à Kaileck et dans les villages avoisinants, au coeur d'une zone agricole prospère qui exportait sorgho et arachides dans tout le Darfour. La plupart de ceux qui ne sont pas morts à Kaileck ont trouvé refuge à Kass, à deux jours de marche. Ils sont complètement dépendants de l'aide humanitaire. Même si légumes, fruits et pain sont disponibles sur le marché de la ville, ils n'ont pas d'argent pour en acheter.
«Ils sont venus à cheval et à pied, avec des fusils et des lances»
«La première attaque a eu lieu l'après-midi du 8 février», raconte Hamed Adam