Que vaut l'Amérique quand elle se dévoie, quand elle occupe son énergie à trouver le moyen de contourner ses valeurs ? L'incroyable mésaventure de Khaled el-Masri que raconte Libération fait ressurgir la part maudite de ce pays, capable du pire parfois dans ses «guerres sales» menées au prétexte du bien. Les Etats-Unis s'interdisent la torture, mais croient nécessaire d'y recourir sans le dire pour lutter contre le terrorisme. Comme il n'est pas question d'enfreindre leur loi, la tartufferie les pousse à inventer la délocalisation de l'abject. Proudly not made in USA. Ce qu'ils ne tolèrent pas sur leur territoire, ils le sous-traitent à d'autres, imaginant une extra-territorialité du supplice, une mondialisation des tortionnaires. Des charters de la CIA pour acheminer des terroristes présumés, cueillis en Europe ou ailleurs, en des lieux où passeraient plus inaperçus les cris de douleur. Le citoyen non-américain peut s'inquiéter car, où qu'il se trouve, il n'est plus rien dès lors que l'Amérique le suspecte de pouvoir lui nuire. Le citoyen américain, lui, est abusé, puisque au nom de sa sécurité on trahit l'esprit de ses lois. Cette pratique ne surprend guère. Elle est dans le droit-fil d'Abou Ghraib ou de Guantanamo, qui, à chaque fois, ont étalé le mépris de l'administration Bush pour les Conventions de Genève et la dignité de la personne. C'est la marque de faiblesse de l'hyperpuissance bushienne : depuis le 11 septembre, elle est gouvernée par la peur, celle de sa vulnér
Éditorial
Part maudite
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publié le 17 mars 2005 à 1h01
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