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Libération
Éditorial

Harlequin

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publié le 21 mai 2005 à 2h15

Giscard a beau être à l'Académie, il n'a rien d'un styliste. Son entrée sous la Coupole, il la doit moins à ses talents littéraires qu'à l'opportunité d'avoir été celui qui a tourné la page du gaullisme. Maurice Druon, cerbère de la mémoire du général et de la langue française, ne s'y était pas trompé qui s'était opposé à l'impétrant. Mais il n'a rien dit de l'écriture de la Constitution européenne sous l'égide du nouvel académicien auvergnat. Il y a pourtant de quoi, tant le style du traité relève plus du jargon que de la langue de Boileau. Sans doute est-ce en partie inhérent aux textes juridico-administratifs, qui ne peuvent ni avoir la concision du slogan ni la transparence d'un roman Harlequin. Mais il faut aussi chercher là une des raisons de la bonne santé du non. Car, si l'on ne conçoit bien que ce qui s'énonce clairement, il ne faut pas s'étonner que le traité soumis au vote des Français reste pour beaucoup d'entre eux un objet de méfiance. Les partisans du non ont joué à plein de cette opacité, de cette pollution de la langue par un vocabulaire technocratique, trop à l'image d'une certaine bureaucratie bruxelloise. Comme les adversaires de Maastricht disaient «Maas-trique» en 1992 pour mieux assimiler le traité au gourdin qui allait fracasser la France, ils ont pris plaisir à dégainer les articles de la Constitution. Façon d'apparaître comme ses meilleurs connaisseurs, donc ses meilleurs détracteurs, et de jouer sur un hors contexte toujours accablant. A ce petit j