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Libération
Interview

«Le fossé qui s'élargit entre les nantis et les autres est un vrai débat»

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publié le 2 juin 2005 à 2h26

Professeur de sciences politiques à l'université Erasme de Rotterdam, Rinus van Schendelen compare les raisons du non en France et aux Pays-Bas.

Quel parallèle peut-on faire entre les camps du non français et néerlandais ?

Comme en France, le non a été porté aux Pays-Bas par une coalition de l'extrême gauche et de l'extrême droite, tandis que les partis du centre prônaient le oui. Comme en France, les adversaires de la Constitution ont des arguments contradictoires: une Europe trop capitaliste selon l'extrême gauche, un désir de retour à la souveraineté nationale pour le petit parti protestant orthodoxe, un non à la Turquie et à l'immigration pour les populistes de la liste Pim Fortuyn ou l'ex-libéral Geert Wilders. En revanche, je ne crois pas que le sentiment de peur et de défiance se concentre aussi fortement qu'en France sur les zones rurales. La réforme de la politique agricole commune effraie moins, car les Pays-Bas dépendent beaucoup moins des subventions européennes.

Le non est-il un vote de rejet des «élites» ?

La révolte anti-establishment est évidente depuis les élections de 2002 : sorti de nulle part, le parti de Pim Fortuyn, qui fustigeait les «régents de La Haye», a brutalement décroché la seconde place au Parlement. Cette révolte de masse reste absolument d'actualité. Une bonne part du non n'est pas un vote contre la Constitution, mais contre l'establishment, à commencer chez les électeurs du Parti travailliste (opposition de gauche), divisés à 50/50. Trois quarts