Menu
Libération
Éditorial

Réconciliation ?

Article réservé aux abonnés
publié le 11 juin 2005 à 2h33

Qui aurait prédit il y a six mois que l'Europe mettrait la gauche française en charpie ? Que l'état des lieux après la bataille serait si dévasté ? Quinze jours après le référendum, la France de gauche est toujours aussi déchirée, et chaque camp, tétanisé par l'ampleur de la victoire, ou par celle de la défaite, reste figé sur ses positions. La fracture semble difficile à réduire. Aussi bien dans les familles, comme le montre notre enquête, que dans le Parti socialiste, coupé en deux par la profonde faille du 29 mai. Et pourtant, il faudra bien à un moment tenter de recoller les morceaux. Mais comment ? En sanctionnant trop tard un adversaire qui s'est affranchi des règles de son parti ? En laissant du temps au temps, en comptant sur la raison et la cicatrisation des blessures ? C'est peu vraisemblable, mieux vaudrait que chaque camp à gauche se force à s'interroger et, par la même occasion, à balayer devant sa porte : les partisans du non sur le réveil des nationalismes et le coup de massue sur la construction européenne que leur vote a déclenchés, ceux du oui sur les graves carences d'une Europe technocratique construite au-dessus des peuples et sur l'illisibilité réfrigérante du document soumis aux électeurs. Le verdict des urnes ne peut être ignoré trop longtemps et l'heure de la colère doit passer. Comme le souhaitait dans ces pages le philosophe allemand Jürgen Habermas, les ouistes de gauche devraient prendre au pied de la lettre les nonistes du même camp qui proteste