Hussein Hanoun al-Saadi, c'est d'abord un regard. Immédiat, chaleureux, perçant, il abolit la distance. Une esquisse de sourire, mi-ironique, mi-indulgent. L'air d'un bon vivant, chemise ouverte et moustache gourmande. Hussein, inconnu mais familier. Sans même y penser, il est devenu un membre de la famille : pour des milliers d'inconnus qui réclamaient sa libération et celle de Florence, il est devenu Hussein, un frère, petit ou grand, absent.
Hussein Hanoun, c'est un métier : fixeur. De l'ombre à la lumière. Jamais auparavant, cette fonction essentielle à l'exercice du métier de journaliste dans les pays étrangers ou en guerre n'avait été autant discutée, expliquée. Il a fallu répondre aux questions, naïves en apparence pour ceux du métier, légitimes toujours : «Mais pourquoi n'est-ce pas lui qui écrivait les articles s'il faisait tout le travail ?» «Pourquoi n'apprenez-vous pas la langue des pays où vous travaillez, ça éviterait de mettre en danger des traducteurs ?», etc. Sur le terrain, le fixeur est lui qui conseille, guide, oriente, traduit. Il donne le tempo, évalue le danger, soupèse les interlocuteurs. C'est le journaliste qui choisit le sujet, son «angle», c'est lui qui écrit avec sa tête, son coeur et ses tripes.
De ce dialogue entre celui qui vient de loin et celui qui voit de trop près naît le «papier». Le fixeur est comme les lunettes sur le nez du journaliste : mal ajustées, il voit trouble, mais sans les yeux, point de regard. D'autres travaillent sans fixeur