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Libération
Éditorial

Parler faux

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publié le 24 juin 2005 à 2h43

Sarkozy cumule. Il était populaire, il devient populiste. Il n'est pas sûr qu'il gagne à l'addition. Plus que jamais le favori de son camp depuis le 29 mai qui a lessivé, essoré et séché le chef de l'Etat, on pouvait imaginer que son statut d'incontournable le rassurerait. Que, de retour à l'Intérieur, il renouvellerait la fonction et enrichirait son personnage. Au lieu de quoi, il rétrécit. En 2002, il s'était fait un malin plaisir de prendre la gauche à rebours en supprimant une double peine que Jospin n'avait pas eu l'intelligence de biffer. Cela lui avait valu de gagner en humanité et d'élargir son éventail de sympathie. Aujourd'hui le voici qui parle de «nettoyer» les quartiers, reprenant le vocabulaire de l'ancien para Le Pen. Sarkozy veut conquérir les Français mais en est encore à draguer les lepénistes. Il assure connaître «le peuple» et parler comme lui, mais c'est faire injure au peuple que de croire qu'il parle comme Le Pen. Le «parler vrai» dont il se revendique ne consiste pas à la jouer démago mais, à l'inverse, à dire des vérités parfois pas faciles à entendre. Comme celle qui veut que les libérations conditionnelles sont nécessaires à la société et au bon fonctionnement de la machine judiciaire. Mais la campagne référendaire a montré que ce parler vrai-là est de plus en plus délaissé. Pour trop de politiques qui croient ainsi échapper au discrédit «anti-élites» à la mode, leur rôle n'est plus de faire comprendre les enjeux, de montrer la voie, d'oser prendre