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Libération
Éditorial

Brutes

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publié le 3 septembre 2005 à 3h32

On attendait Villepin, on a eu Sarkozy. Après trois incendies meurtriers ­ près de cinquante morts, dont presque la moitié d'enfants ­ dans des logements insalubres de la capitale, on était en droit d'espérer du Premier ministre un plan d'urgence enfin crédible pour lutter contre les taudis. On a abouti à des expulsions musclées de familles avec enfants le jour de la rentrée scolaire sans que n'ait été prévu pour elles le moindre relogement. La méthode est aussi expéditive qu'absurde : pour protéger ces gens du feu, rien de tel que de les mettre à la rue. Mais c'est la réponse du gouvernement à la crise grave, incendiaire, que connaît le logement social dans ce pays : brutaliser des populations déjà traumatisées par les drames de l'été. Pourquoi chasser ces squatteurs précisément, alors même qu'expertises et concertations étaient en cours ? Pourquoi cet acharnement arbitraire, alors que seule une politique commune de tous les acteurs institutionnels et sociaux devrait prévaloir en la matière ? Est-ce le prix à payer d'une volonté ministérielle de jouer les gros bras et de rappeler qui commande vraiment ? Est-ce du double langage, propos lénifiants d'un côté, nettoyage au Karcher de l'autre ? Tout cela rappelle un jour de 1996 quand un autre ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré, vidait manu militari des sans-papiers d'une église parisienne après avoir promis de les traiter «avec humanité et coeur». Affligeant remake qui révèle à nouveau l'indifférence quasi générale vis-