Les lobes percés de diamants, la casquette vissée à l'envers sur le crâne, Laïty, en terminale littéraire, prend l'air moqueur : «Evidemment, je sais ce que c'est, une ZEP.» Il décline le sigle : «Zone d'éducation prioritaire. Ça veut dire qu'on met plus de moyens dans les établissements des quartiers difficiles. Mais, sérieusement, on ne voit pas bien la différence.» Il lâche son sac de cours pour serrer la main de ses copains, Bachir et Slimane, assis sur un muret dans la ZUP (1) d'Argenteuil (Val-d'Oise). «Ce qu'on voit, c'est qu'on nous envoie des profs débutants et jamais des vrais profs», intervient Slimane. «D'ailleurs, on dirait que les profs n'ont qu'une envie, c'est de se casser au plus vite, poursuit Laïty. Ils ne sont pas formés au public de la banlieue. C'est comme si les profs et les élèves parlaient deux langues différentes.»
«Si je m'appelais François...» Bachir, 19 ans, et Slimane, 18 ans, cherchent un emploi. Pour Bachir, la scolarité s'est arrêtée à la fin de la seconde. «Comme diplôme, j'ai juste le brevet des collèges. Il paraît que je peux être facteur avec ça, lâche-t-il, amer. Franchement, on m'a forcé à démissionner de l'école. Ça se fait beaucoup dans les lycées. Et, quand tu comprends que t'aurais mieux fait de bosser à l'école, on ne veut pas te laisser revenir... C'est sûr que si je m'appelais François ça serait différent.» Slimane a quitté le collège à la fin de la troisième. Ce qu'il en a retenu, c'est que «la principale était juste là pour fair