Simon Wiesenthal n'était pas un chasseur de nazis. D'abord parce que son activité n'avait rien à voir avec un passe-temps cynégétique. Ensuite parce que les nazis n'étaient pas un gibier. Avant tout, Simon Wiesenthal a été un juif et rescapé des camps qui réclamait son dû : la justice. Il a été un accident de l'histoire car il n'aurait pas dû exister. Si quel si ! la collectivité judiciaire internationale avait fait son travail correctement, sa petite entreprise artisanale aurait été superflue. Et celle-ci a marqué les décennies d'après-guerre, qui sont aussi les décennies d'après-Shoah, d'une manière qu'on ne peut résumer à quelques affaires ou arrestations célèbres. Son legs le plus durable concerne la dimension politique de la responsabilité individuelle. Et cela de deux manières, en noir et en blanc.
D'une part, les malheurs de l'humanité ne sont pas imputables à d'obscures forces historiques mais doivent toujours, quand c'est possible, être rapportés à des individus concrets nommément désignés afin que ceux-ci rendent compte un par un de leurs crimes. Une fois levées les sessions du tribunal de Nuremberg, on avait eu tendance à l'oublier. La lutte de Wiesenthal pour qu'il n'en soit rien en fait un des pères putatifs du Tribunal pénal international... longtemps après. D'autre part, il a montré qu'un simple particulier pouvait agir en son nom propre, avec des moyens de fortune, plus efficacement qu'une kyrielle d'organisations ou d'institutions plombées par leur double