Après de multiples déboires et pérégrinations, la Cinémathèque française rouvre enfin ses portes, dans un bâtiment de Frank Gehry l'architecte, entre autres, du magique musée Guggenheim de Bilbao , lui aussi réaménagé de fond en comble après une première affectation ratée. Cette double renaissance est symbolique. D'une part, elle comble un vide patrimonial devenu dommageable, en restituant au public l'accès direct à la fabuleuse aventure des salles obscures, en rétablissant un lien de continuité avec les débuts, les commencements d'un art centenaire mais encore tout jeune. D'autre part, elle permettra , peut-être, de renouer un lien un peu distendu de ce public avec l'histoire du cinéma.
La cinéphilie, qui a été longtemps un état d'esprit et presque une façon de vivre, n'est plus ce qu'elle était. Son aura s'est affaiblie, son image a vieilli. Ce qui était naguère une forme collective d'initiation à la vie faut-il rappeler que Mai 68 a aussi pris naissance sur les marches enfiévrées de la Cinémathèque du Palais de Chaillot ? est souvent devenu une passion individuelle et fétichiste, une stratégie d'accumulation et de consommation à domicile (télévision, vidéo, DVD, et aujourd'hui Internet) appuyée sur une reproduction illimitée des catalogues (vingt-cinq mille titres disponibles sur le marché) et un goût de plus en plus affirmé pour les dérivés plus ou moins triviaux du cinéma, du film X au jeu vidéo, en passant par les séries télévisées cultes. C'est dire le défi qui