Ce n'est pas le couvre-feu pour Paris, d'ailleurs ça commence à 10 heures du matin, bien avant qu'on allume les feux. Mais l'interdiction des rassemblements «de nature à provoquer ou entretenir le désordre» relève bien des mesures d'exception qui entrent dans le cadre de la loi de 1955. L'appréciation de cette nature désordonnée étant forcément subjective, voire arbitraire, les Parisiens qui participeront à la manifestation (autorisée) contre cette législation d'exception devront afficher ostensiblement une mine débonnaire et une allure responsable. Et les fêtards du samedi soir ont intérêt à filer droit, tout chahut étant désormais passible des rigueurs de la loi. D'une certaine manière, l'interdiction parisienne oblige chacun à prendre conscience que personne ne peut plus prétendre vivre innocemment dans son monde rendu étanche aux vents du dehors, loin d'un tumulte circonscrit à d'incertaines cités. Théoriquement, même les plus beaux quartiers de la capitale française sont devenus le théâtre virtuel des violences... et de leur répression.
Que le gouvernement en soit arrivé à l'admettre sur la foi de quelques rumeurs, et malgré son souci de doser alarmisme et sérénité, cela montre l'étendue de son inquiétude. Les banlieues visées se sentent assiégées déjà en temps normal mais ce sont les jeunes incendiaires qui ont pour le moment le monopole du mouvement et de la surprise. Et la rumeur est une arme vicieuse, qu'on propage en la démentant ou en croyant la désamorcer. La