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Libération
Interview

«En Afrique, si tu n'es pas bien loti, tu n'es pas respecté»

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publié le 3 décembre 2005 à 4h47

A Dakar

«A 29 ans, je pensais que je serais marié, père de famille, avec un bon boulot et que je pourrais changer la vie de mes parents. Mais voilà je suis célibataire, soutien de ma maman, de mes frères et soeurs, et gardien de nuit pour 50 000 francs CFA par mois (76 euros). En seconde, j'ai dû arrêter l'école à cause de problèmes entre mon père et ma mère, il a pris une deuxième femme et ne pouvait plus me payer les cours. C'est ma plus grosse déception. J'ai un peu travaillé, dont six mois au Maroc avec un Français, mais je suis vite revenu avec des désillusions. Et puis j'ai trouvé ce boulot où je ne pensais pas rester plus d'un an et voilà, je suis bloqué depuis trois ans.

«Pour la jeunesse, c'est pas facile de trouver du travail sous le gouvernement actuel. Même avec tes diplômes, tu ne peux pas faire le travail qui te plaît, il faut toujours des petits arrangements, de bons soutiens derrière toi. On est à 29 ou 37 ans sans boulot, c'est dur. Mon salaire me permet de régler mes petits besoins car, à mon âge, c'est la honte de demander de l'argent à son père, et puis en Afrique, si tu n'es pas bien loti, tu n'es pas respecté, même dans ta propre famille. Presque tous les jours, je dépose des lettres, des CV. Mes espoirs envers le pays sont trop maigres, c'est plus difficile qu'avant. C'est beaucoup de déceptions car [le président] Abdoulaye Wade, avec l'alternance, avait tant promis à la jeunesse... Mais on n'a rien vu !

«Je ne veux pas aller en Europe car y aller sans pa