Menu
Libération
Éditorial

Gêne

Article réservé aux abonnés
publié le 5 décembre 2005 à 4h48

La polémique suscitée par la première «greffe d'un visage» reflète sans doute la gêne instinctive qu'on peut ressentir devant quelque chose d'aussi étrange. Quoique anciennes, les transplantations conservent une aura mystérieuse. Ici, joue en outre le fait qu'on n'est guère préparé à considérer le visage comme un «organe». Que quelque chose d'anonyme comme un coeur ou un rein puisse faire fonction de pièce de rechange, on a fini par l'admettre. Mais un visage ! Pourtant, passé les premiers émois, à quoi peut tenir la polémique ?

Est-il moralement loisible, généralement parlant, de «greffer un visage» ? Les comités d'éthique ont répondu, prudemment comme d'habitude, mais favorablement. Interface entre une intériorité et son monde, un visage exprime une individualité sans lui être intrinsèquement lié. Une greffe de cerveau poserait de plus redoutables problèmes, mais il faut laisser cette science-fiction aux éthiciens science-fictionnesques.

Cette greffe singulière a-t-elle été conforme aux exigences, réglementaires ou simplement humaines, qu'on peut formuler pour une telle opération ? Cela semble le cas. Une chose capitale est acquise, la demande de la receveuse et sa justification dans une démarche relationnelle plurielle et rationalisée. Sa résilience psychologique ­ préalable posé par les éthiciens ­ semble suffisante pour qu'on puisse écarter les confidences (dont l'utilisation est elle-même sujette à réserves) d'une proche la mettant en cause.

Le clinquant médiatique n'étai