Gabriel Burloux est psychiatre-psychanalyste au service de transplantation de Jean-Michel Dubernard. En charge des entretiens et des suivis de tous les patients greffés, il raconte son travail avec la patiente d'Amiens.
Qu'avez-vous demandé à la jeune femme quand vous l'avez rencontrée pour la première fois ?
Rien. Je n'étais et je ne suis pas avec elle dans un rôle de thérapeute. J'étais là pour l'écouter, et je l'ai laissée s'exprimer. Je n'ai pas essayé de savoir comment cela lui était arrivé, ni dans quelles conditions. Elle me parlait, je voyais son courage, je notais son intelligence. Elle me disait les choses possibles. Moi, je n'étais pas là pour lui dire oui ou non.
Vous avez dit : «Le visage a une fonction esthétique, relationnelle et fonctionnelle. Si on lui greffe un nouveau visage, [elle] devra faire un travail d'appropriation»...
Il s'agit d'une greffe très spécifique, dans laquelle l'aspect fonctionnel était au premier plan. Elle n'avait plus de lèvres, ni de nez, elle ne pouvait pas se nourrir. Et sa situation allait s'aggravant. Aussi a-t-on très peu évoqué avec elle l'aspect esthétique, ni même abordé le fantasme de porter le visage d'un autre. Pour autant, l'aspect identitaire est évidemment en jeu. Cette femme avait une identité, et le visage en était son expression. C'est la première chose qu'on voit chez quelqu'un : son visage. Quand celui ci est attaqué, on ne voit que ça.
Vous l'avez revue depuis son opération. On a envie de demander : l'avez-vous reconnue