Espagne, envoyée spéciale.
Elles arrivent essorées comme des serpillières. Elles ressortent rayonnantes, à l'issue d'un «traitement intégral» de dix-huit mois qui s'apparente au programme d'un camp de rééducation : «Transformer radicalement les schémas mentaux traditionnels qui conditionnent la fonction sociale de la femme au travers d'une idéologie patriarcale et sexiste.» Sara raconte, enthousiaste soldate de la cause : «J'avais honte. J'étais incapable de pouvoir dire qu'il me maltraitait, me violait, m'humiliait. Maintenant, je suis fière d'être ici, de lutter avec des combattantes, d'avoir su décider toute seule, et non plus à travers lui, d'avoir dit "basta, tu ne m'auras plus".» Tout naturellement, l'étudiante de 24 ans glisse du «il» intime de son ex, dont elle a fini par reconnaître «grâce à la thérapie du centre» qu'il était «méchant» («Je pensais jusqu'alors qu'il m'aimait trop et ne savait pas se contrôler»), au «ils» politique et général, qui désigne les hommes violents. Elle parle de «cette méchanceté avec laquelle "ils" vivent».
«Camarades». Toutes débarquent dans ce «Centre de soins, de récupération et de réinsertion de femmes maltraitées», havre dont la localisation est tenue secrète, «plus sûr qu'une base des services secrets», gonflées de larmes que leurs «camarades» recueillent, écoutent, durant des semaines s'il le faut, avec une bienveillance structurée par des années de savoir-faire. «Ici, personne ne te dira jamais des conneries du genre "ne t'inquiète