L'Europe n'a pas encore digéré l'élargissement qu'un nouveau spectre la hante : le remembrement. Si l'Union compte désormais vingt-cinq Etats membres, elle voit se profiler des dissociations souverainistes au sein même de ces Etats, qui font augurer la revendication de représentations propres. La Catalogne en est à réclamer un statut de nation distincte de la nation espagnole, premier pas vers l'instauration d'un Etat, lequel pourrait bien un jour réclamer à son tour le statut d'Etat membre. Et pourquoi pas la Padanie, la Bavière, l'Ecosse, la Flandre ?
Ce national-régionalisme, s'il se radicalise depuis l'élargissement des années 90, est déjà enraciné dans le fonctionnement communautaire. Ce que l'Europe a de supranational sert aux régions en veine d'autonomie pour contourner leurs gouvernements et faire valoir des intérêts propres, surtout économiques. Car ce mouvement visant à remembrer les Etats membres exprime d'abord un égoïsme de riches qui ne veulent pas «payer» pour les plombiers polonais, les bûcherons slovènes ou les maçons calabrais.
Cette démarche, qui n'est pas étrangère non plus aux nations établies, s'accompagne d'un phénomène de création d'élites locales politiques et administrativo-économiques dont le pouvoir et les avantages se confortent par l'exclusion de la concurrence sur le critère de la langue, de l'appartenance ethnique ou de la soumission à un certain ordre culturel. C'est net en Catalogne, où l'opinion n'est pas à l'unisson des «catalanistes» qu