Menu
Libération
Interview

«La montée du mot ""impuissance""»

Article réservé aux abonnés
publié le 31 décembre 2005 à 5h11

Impuissance. Le mot n'a jamais été autant prononcé que ces derniers mois par les politiques, selon la sémiologue Mariette Darrigrand, responsable du cabinet d'études Des faits et des signes (1). L'emploi de ce mot à tout bout de champ n'est peut-être pas pour rien dans la «mélancolie» ambiante. Interview.

Pourquoi cette mélancolie française ?

Il faut d'abord essayer de comprendre pourquoi le regard sur notre société est devenu psychologique. Aujourd'hui, les observateurs du social prennent la société pour un être. Un jour, on décrit sa crise d'adolescence, un autre son vieillissement. Ou sa mélancolie. Or, c'est se placer dans la perception. Pas dans le réel. C'est un gros problème. Parce que cela veut dire que la pensée intellectuelle n'est plus tenue par les philosophes, les sociologues ou les politiques, mais par les seuls psychologues. Les politiques ont besoin d'être nourris d'une pensée intellectuelle. Faute d'outils opérant sur le réel, ils utilisent des éléments qui ne parlent plus du réel, mais de sa perception. Et dès qu'ils ne se sentent plus suivis dans leurs propositions, ils ont tendance à culpabiliser celui à qui elles s'adressent. En retournant le diagnostic.

Les politiques sont-ils eux-mêmes mélancoliques ?

Projeter sur l'autre son propre doute est un grand classique. Evoquer le «mal-être» de l'autre est souvent une projection de soi-même. J'ai été très frappée, cette année, par la montée du mot «impuissance» dans le discours politique. Nous serions dans une soc