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Libération
Éditorial

Arbitraire

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publié le 20 février 2006 à 20h23

Mourad Benchellali ne fréquente sans doute guère les oeuvres de Voltaire, mais il y a du Candide chez ce gamin qui s'enrôle aux Minguettes et se retrouve à Guantanamo après avoir traversé le fracas du monde sans trop comprendre ce qui lui arrivait. Les sergents recruteurs de l'islamisme n'ont pas de scrupule pour fabriquer les petits soldats d'Allah ­ leur très sainte cause justifie tout par avance. Le récit de Benchellali montre une nouvelle fois la facilité avec laquelle des adolescents sensibilisés à une vision politique de l'islam peuvent basculer dans le terrorisme organisé. Sa capture a abrégé cette aventure que d'autres ont poursuivie jusqu'à l'assassinat et au suicide.

Le deuxième volet de son témoignage est autrement inquiétant. Le compte rendu de son séjour dans les geôles américaines, conforme à tous ceux qui ont déjà été publiés, montre un monde placé hors de toute norme de droit et qui fait de cette extra-territorialité un argument de sa défense (ce devrait pourtant être l'inverse !). Rien n'oblige de prendre au pied de la lettre les accusations portées ­ notamment la désacralisation du Coran, qui peut n'être qu'une rumeur de désinformation. Mais, sur le fond, il faut le croire quand il montre que les Etats-Unis dérogent, dans cette politique d'incarcération arbitraire, à leurs propres principes ­ sans que leurs amis s'en émeuvent beaucoup. Il est heureux que la Cour de cassation ait contraint la justice de prendre au sérieux les plaintes pour séquestration porté