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Libération
Éditorial

Jeu dangereux

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publié le 8 mars 2006 à 20h33

Sous la mitraille, Villepin ne cille, ni ne cède. Imagine-t-on Bonaparte rebrousser chemin au milieu du pont d'Arcole, de Gaulle renoncer au 18 juin, Juppé plier dans ses bottes ? Accroché à une mythologie gaulliste de bazar qui confond rigueur et raideur, l'art de gouverner avec le manque de dialogue, Villepin maintient le CPE, à défaut de se maintenir dans les sondages et de rester crédible en gaulliste social. Mais contre qui se bat-il ? Ni contre une armée étrangère, ni contre un ennemi de l'intérieur, mais contre la jeunesse française. Ce qui est plus préoccupant. Certes, elle n'était pas toute seule dans la rue, hier, mais elle était en nombre pour défendre son avenir. Et c'est lui faire injure que de la décrire tout entière manipulée par la gauche, les syndicats ou les parents d'élèves, comme l'affirme la droite, reprenant là une antienne bien usée. Les jeunes n'ont eu besoin de personne pour saisir que le CPE institutionnalise la précarité pour tous les moins de 26 ans. Qu'il condamne chacun, diplômés ou non, à un avenir incertain. Il n'y a pas pire symbole de la panne de l'ascenseur social et de la faillite de son corollaire : réussite scolaire égale emploi. Villepin a affirmé hier «respecter les inquiétudes et les peurs», mais son texte les diffuse bien plus qu'il ne rassure. Comme Chirac troublait, en 1986, avec son libéralisme à l'anglo-saxonne, le Premier ministre effraie aujourd'hui avec sa flexibilité sans sécurité. La droite pourrait bien redouter d'en subir