C'était un secret de famille, mais quel secret résiste longtemps dans un village de Kabylie ? Des émigrés, revenus pour les vacances, ont parlé les premiers. Ils se moquaient : «A Paris, on a vu Youcef et Fazia. Ils sont mal.» Puis un des frères de Youcef est parti en France pour un voyage de noces. Au retour, il a résumé la catastrophe en quatre mots : «Ils sont en noir.» En noir, sans papiers, illégaux. «Ce sont des êtres humains malgré tout, mais on n'est pas chauds avec ces gens-là», explique un élu local. «Ici, on aime les émigrés, les vrais», ceux qui font construire les plus belles maisons à colonnades, ceux dont la retraite fait vivre jusqu'à 20 personnes, ceux qui cotisent pour les réseaux municipaux d'assainissement ou d'électricité.L'élu reprend : «Dieu soit loué, 70 % des familles en comptent au moins un.» Il soupire. «Mais, avec les sans-papiers, on est gênés. On devrait les prendre en charge éternellement, ils nous font du souci chaque jour. C'est le monde à l'envers.» A Tagmout-Ihadedene, en haute Kabylie, Youcef et Fazia étaient les premiers sans-papiers du village. Cinq ans plus tard, ils sont revenus «laver le déshonneur», dit un cousin.
Scandale
Youcef avait 34 ans quand il est arrivé à Paris, en 2001, avec un visa commercial. Fazia l'a suivi, enceinte. Elle veut absolument accoucher là-bas. «Les gens disaient que les choses étaient plus faciles avec des enfants nés en France. On comptait s'installer