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Libération
Éditorial

S'échapper

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publié le 7 septembre 2006 à 23h12

L'émotion soulevée par la réapparition de Natascha Kampusch est à la mesure de la fascination, de la sidération, que provoque son destin miraculeux. Une fillette enlevée il y a des lustres, et que tout le monde croyait morte, assassinée, comme c'est souvent le cas en pareil crime, refait soudain littéralement surface. Une quasi-résurrection, mais pas seulement : car, bien que longtemps rayée des vivants, une enfant est devenue une femme qui doit recoller à un monde qui a continué sans elle, mais tout à côté d'elle. Prisonnière d'un bourreau humain, qui l'a «élevée» en même temps que torturée, cette captive sans visage jusqu'à hier a grandi dans l'incessante pensée de s'enfuir, et a survécu. Son histoire bouleversante a une dimension universelle. Aujourd'hui, la liberté de Natascha Kampusch passe par un affrontement brutal avec le réel ­ le syndrome d'Hibernatus, beaucoup plus que celui de Stockholm. Depuis quinze jours, elle fait face avec cran et maturité à la curiosité du monde entier, un mélange déferlant de compassion et de voyeurisme, qui la propulse d'un isolement maximal à une exposition aussi maximale, d'une solitude absolue à une sollicitude avide, harcelante. Mais la voilà qui, tout en demandant du temps, notamment à ses parents, avec qui le lien a l'air difficile à renouer, s'adresse d'abord par une première lettre ouverte à la «chère opinion mondiale», avant de décider, entourée de son bataillon de psys et de communicants, de parler «à visage découvert»