Peut-on gérer un musée comme une marque de luxe ? La réponse est évidemment non, mais la question est piégée. D'abord parce que les entreprises de luxe sont gérées avec un maximum de rigueur professionnelle et d'adéquation avec leur fin propre, qui est de gagner de l'argent en vendant de la distinction. Et parce que, si éthérées soient les choses de l'esprit, elles sont néanmoins gérées elles aussi, fût-ce par défaut, de façon très matérielle. Des institutions aussi prestigieuses que le musée Guggenheim ou la Tate Gallery sont allées très loin dans le mimétisme entrepreneurial. Issus d'une tradition différente et dotés de budgets publics importants, les musées français restent bien en retrait, même si les logos des sponsors commencent à y grignoter les cimaises.
Le projet d'installer une succursale du Louvre sur les bords du golfe Arabo-Persique recèle un danger plus régalien : instrumentaliser un bien public au service de la «politique de la France», qui n'est jamais que celle du dernier en date de ses gouvernants. En réalité, envoyer le Louvre en service diplomatique commandé est aussi absurde, et aussi contraire à sa vocation intellectuelle, que de le traiter comme une multinationale de la parfumerie ou des dentelles. Il est bon qu'entre le Quai d'Orsay et le musée d'Orsay demeure un voile d'ignorance.
La mondialisation débusque le vieux monde jusque dans ces réduits les mieux calfeutrés. Tant mieux quand cela signifie que le grand public, qui de manière directe ou indirect