A 45 ans, Abderrahmane Sissako est le plus actif et le plus reconnu des jeunes cinéastes africains. Mauritanien, il vit à Paris, où il travaille sur ses films, tournés en Afrique, et ceux des autres (avec sa société de production, Chinguitty Films). Il a passé sa jeunesse à Bamako, au Mali, et c'est dans la cour de la maison de son père qu'il a tourné son dernier film.
Qu'est-ce qui vous a déterminé à tourner Bamako ?
C'est dans cette cour que j'ai fait mon éducation politique : des discussions avec mon père, mes frères, des amis. Là est née cette dynamique interrogative sur le destin du continent. Mes premiers films ont suivi un autre cours, plus intimiste et autobiographique. Avec la reconnaissance, je ne pouvais plus éviter ce sujet, plus échapper à cette parole frontale sur le destin collectif du continent noir.
D'où vient l'idée du film : faire le procès de la Banque mondiale ?
Un jour, discutant avec Aminata Traoré, alors ministre malienne de la Culture, celle-ci m'a dit qu'il faudrait faire le procès de la Banque mondiale et du FMI. Quand elle a ajouté : «C'est impossible...» J'ai répondu : «Alors inventons ce procès !» C'est parce que c'est un procès impossible qu'il fallait l'inventer.
Pourquoi le dispositif du procès, avec le tribunal, les juges, les avocats... N'aviez-vous pas peur du manichéisme ?
Un film n'est pas une vérité. D'ailleurs, il n'y a pas de verdict dans mon procès. Par contre, il peut interpeller : une réalité, grâce au film, devient