Les prix et la qualité d'un livre sont deux choses différentes. Il arrive qu'un livre récompensé soit bon, mais ce n'est pas la règle, et un livre de prix n'est pas forcément primé. Depuis quelques années, il s'est souvent produit que le Femina, le Médicis et le Renaudot couronnent un vrai écrivain. Même le Goncourt s'y est mis. Cela n'empêche pas les sentiments.
Un auteur-juré vote volontiers pour un livre publié par son propre éditeur. C'est la tradition. Chacun sait que les prix font l'objet de tractations. Il en va ainsi depuis que le Goncourt existe (1903), et depuis que «Paris sera toujours Paris». Les autres prix ne font que se conformer. Pourquoi le marigot germanopratin se met-il à bruire cette année? Parce que dans le tome V de son Journal Jacques Brenner, romancier et critique mort en 2001, consigne les péripéties du Renaudot à la fin des années 80. Ce fort volume est intitulé «La cuisine des prix», et Brenner n'y va pas avec le dos de la cuillère. C'est plus consternant que dégoûtant.
Le chef de cette tambouille est Yves Berger, directeur littéraire chez Grasset, mort en 2004. Prenons les prix de 1989 : «Déjeuner avec Berger. Il m'explique la stratégie qu'il a imaginée pour faire obtenir le Goncourt à Vautrin [auteur Grasset]. En fait, il a passé un accord avec Gardel [Seuil]. Celui-ci lui a promis les voix des jurés du Seuil à condition que, pour le Renaudot, les jurés Grasset votent pour Philippe Doumenc [Seuil].»
Mais pourquoi B