«Déclencheur», «détonateur», «signal» ou «point de départ», «à l'origine», «qui a entraîné», «qui a causé», «qui a précédé» ou «qui a suivi», etc. : les expressions faisant le lien entre l'attentat du 6 avril 1994 au soir contre l'avion du président hutu rwandais Juvénal Habyarimana et le génocide des Tutsis et des opposants hutus, qui s'en est immédiatement suivi, fourmillent. Elles disent toute l'ambiguïté du lien entre l'attentat et le génocide. Personne ne nie l'effet «détonnant» de l'attentat, mais toute la question est de savoir si le génocide aurait eu lieu de toute façon.
Question essentielle et aux conséquences tout ce qu'il y a de plus concrètes, notamment au plan de la justice internationale, l'initiative du juge Bruguière ne manquera pas de relancer le débat et, déjà, les cercles hutus militants et anti-Kagame s'agitent sur l'Internet pour renverser la charge du génocide. En substance, leur raisonnement est le suivant : tout le monde savait qu'un tel acte provoquerait des massacres de Tutsis à grande échelle et une réaction terrible des Hutus ; celui qui a commis l'attentat a agi en connaissance de cause ; Paul Kagame, le chef tutsi du Front patriotique rwandais (FPR), grandi en exil en Ouganda, porte la principale responsabilité du massacre des Tutsis de l'intérieur, qu'il a sacrifiés à son but de guerre. Une variante, plus militante, attribue même à Kagame l'intention d'avoir provoqué un génocide en connaissance de cause, pour pouvoir se prévaloir