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Libération

La laïcité, un voeu pieux

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Plutôt que de séparer Etat et religion, la Turquie contrôle, de fait, un islam institutionnalisé.
publié le 28 novembre 2006 à 0h16

Ankara envoyé spécial

Avec son imposante colonnade de marbre et de pierre grise, le mausolée d'Atatürk qui se dresse sur une colline au coeur d'Ankara est un passage obligé de tous les dignitaires étrangers en visite officielle. Benoît XVI n'y coupera pas et, dès son arrivée dans la capitale turque, il ira rendre hommage à la dépouille de Mustapha Kemal, père fondateur de la République laïque inspirée du modèle jacobin, née après la Première Guerre mondiale sur les décombres de l'Empire ottoman. Pour les autorités turques, le pape est un chef d'Etat comme un autre, et seulement un chef d'Etat. Ankara, en effet, reconnaît le Vatican, mais non le Saint-Siège, c'est-à-dire le gouvernement de l'Eglise mondiale. L'Eglise catholique n'a pas de véritable existence légale. La laïcité proclamée de ce pays à 99 % musulman demeure très ambiguë.

«Il n'y a pas en réalité de véritable séparation entre l'Etat et la religion mais plutôt un contrôle de l'Etat sur l'islam institutionnalisé dès 1924 par la création du Diyanet, le directoire des affaires religieuses, qui dépend du Premier ministre», explique Elise Massicard, chargée de recherche au CNRS, soulignant que «l'Etat turc se veut le titulaire exclusif des affaires religieuses et l'autorité ultime en la matière». A l'origine simple bureau de contrôle, cette administration est devenue tentaculaire avec un budget annuel de plus de 500 millions d'euros, supérieur à celui de plusieurs ministères. Elle a la haute main sur la plu