A ceux qui s'inquiétaient à l'idée que la fin de la guerre froide prive des auteurs comme John Le Carré de sources d'inspiration, l'affaire Litvinenko apporte un démenti cinglant. Tous les ingrédients d'un polar politico-criminel sont réunis : un ex-agent secret et un ancien Premier ministre mystérieusement empoisonnés, des traces radioactives qui dessinent un incroyable jeu de piste planétaire, irradiant au passage des milliers de passagers de vols commerciaux, des mafieux, des anciens du KGB, un Italien ambigu et, comme dans un inventaire à la Prévert, un sushi bar ! L'affaire serait ironique s'il n'y avait eu mort d'homme, et, au-delà, des interrogations sur la nature du pouvoir russe et de son chef. Certes, les apparences sont à ce point défavorables à Vladimir Poutine qu'on a tendance à s'en méfier et à se garder d'accusations précipitées. Mais le contexte est assurément «porteur», avec le récent assassinat à Moscou de la courageuse journaliste Anna Politkovskaïa, qui tenait tête au Kremlin et avait elle-même été victime d'une apparente tentative d'empoisonnement au moment de la prise d'otages de Beslan. Dans cette affaire, il n'y a pas des «bons» et des «méchants» : il y a d'abord les lendemains douloureux d'un postcommunisme russe aux parfums affairistes et autoritaires. D'où la nécessité d'aller au bout de l'enquête en cours, assurément difficile et délicate. Pour savoir qui a fait quoi, qui est capable de liquider ses ennemis à l'aide de substances radioactives, et
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