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Libération
Éditorial

Dérive

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publié le 5 décembre 2006 à 0h23

La novlangue administrative fait parfois preuve d'humour involontaire. En 2004, le gouvernement fit adopter une loi joliment intitulée «pour la confiance dans l'économie numérique», qui devait être accompagnée d'un décret garantissant la gratuité pour les numéros d'accès des services sociaux. Ce décret ne fut jamais publié et, loin d'instaurer la confiance, c'est la confusion et la colère qui s'installent progressivement. Sans crier gare, les usagers, qui sont aussi des contribuables, découvrent qu'on leur impose de plus en plus d'appeler des numéros surtaxés lorsqu'ils tentent de joindre des services publics aussi vitaux que les hôpitaux, l'ANPE, la Sécurité sociale... Et le maquis des numéros «de couleur» (Vert, Azur, Indigo...), aux facturations aussi diverses qu'incompréhensibles, a tout pour brouiller les pistes plutôt que de les éclairer. Comment en est-on arrivé là ? Par quelle logique absurde a-t-on décidé de surtaxer l'appel d'un chômeur à son ANPE ou de chacun d'entre nous à un proche hospitalisé ? La réponse, hélas, est tristement banale : la logique du service public cède progressivement le pas à celle du marché et à la mode de l'externalisation, qui favorise l'émergence d'une pompe à fric à deux milliards d'euros par an, que se partagent les entreprises et les opérateurs télécoms. Nulle part ailleurs qu'en France on a mis à ce point le consommateur et le citoyen en coupe réglée. Même en Amérique du Nord, au paradis du libéralisme régnant, cette démarche est jugé