Marie-Hélène Labbé, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, vient de publier le Grand Retour du nucléaire (éd. Frison-Roche). Cette juriste, spécialiste des questions stratégiques, revient sur les contraintes du traité de non-prolifération (TNP).
L'Iran a-t-il le droit de développer son industrie nucléaire civile ?
Non, car l'Iran viole clairement ses engagements en matière de non-prolifération, comme l'a constaté l'AIEA (Agence internationale de l'énergie atomique) en septembre. Or, le TNP n'accorde pas un droit inaliénable au développement du nucléaire civil, comme on le croit souvent. Il s'agit d'un droit conditionnel qui dépend du respect de la non-prolifération en matière militaire. A partir du moment où un pays s'en affranchit, par exemple en relançant la conversion de l'uranium comme le fait l'Iran, ce droit tombe.
Vous êtes donc d'accord avec Ségolène Royal, qui refuse à l'Iran le droit au nucléaire civil ?
Cette position a un sens. Juridiquement, elle n'est pas infondée, et elle me semble moralement justifiée. En revanche, sur le plan de l'opportunité politique, c'est beaucoup plus risqué. Malgré les arguties et les palinodies de l'Iran, il serait dangereux d'enterrer le TNP. Car cela ouvrirait la porte à des scénarios très très sombres...
Peut-on vraiment interdire à un pays qui le souhaite de passer du nucléaire civil au nucléaire militaire ?
Bien sûr que non. Ces technologies sont liées. Même en France, où le Commissariat à l'énergie atomique (CEA)