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Libération
Éditorial

Déliquescence

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publié le 26 décembre 2006 à 0h38

Il y a deux manières d'analyser la guerre qui vient d'éclater entre l'Ethiopie et la Somalie. L'une, très idéologique, en fera le nouveau front de la «guerre contre le terrorisme», avec un encouragement américain à l'«Ethiopie chrétienne» pour empêcher la consolidation d'un nouvel Afghanistan dans la corne de l'Afrique, potentielle base arrière d'Al-Qaeda et du terrorisme international. L'autre, plus réaliste, voit l'Ethiopie, 170e Etat sur 177 dans le classement du développement humain des Nations unies, s'affronter à une Somalie dont l'état de déliquescence l'a carrément fait sortir des statistiques onusiennes. Avant d'être un enjeu global, c'est d'abord une guerre des pauvres qui a éclaté dans une partie du monde oubliée de tous. La Somalie est le symbole même de ces «failed states», ces Etats en faillite dont la communauté internationale n'a pas su empêcher l'apparition dans les années 90. On se souviendra du débarquement hypermédiatisé des troupes américaines en mission «humanitaire» pour mieux repartir au premier écueil ou du célèbre sac de riz du Dr Kouchner. Depuis, la Somalie est devenue ce «trou noir» dont parle Kofi Annan, Etat de non-droit dans lequel des islamistes ont effectivement fait leur nid. Dans un tel contexte, l'intervention éthiopienne contre son éternel rival somalien n'a guère de chance de stabiliser un pays décomposé. Elle ne fera qu'accentuer un peu plus les souffrances et la misère. Cette guerre, qui menace d'embraser une région sans