Agnès Tricoire, avocate spécialiste en propriété intellectuelle, est déléguée du groupe culture à la Ligue des droits de l'homme. Elle prépare une thèse à Paris-I sur «la Définition de l'oeuvre» et défend Jakob Gautel dans l'affaire de la Nouvelle Eve de Bettina Rheims.
L'art a-t-il à craindre du droit ?
Il me semble nécessaire de repenser la question de la définition de l'oeuvre dans son ensemble, tout d'abord parce qu'elle est éparse (droit d'auteur, droit public pour les aides à la création ou la censure, droit pénal...) et donc diverse. D'autre part, le droit d'auteur est, avec le droit moral, d'une force extraordinaire pour protéger les auteurs. Or, depuis le début du XXe siècle, il est devenu un outil de concurrence pour l'industrie, au prix d'un assouplissement de ses critères. La conception subjectiviste de l'auteur s'est objectivée au fil du temps, pour permettre la protection des bases de données, des logiciels... Le droit d'auteur français est en voie de se transformer en droit des producteurs, comme le copyright. Il faut donc, si l'on veut sauver ce statut, s'interroger sur son champ d'application et sur son objet politique : réserver une protection particulière, hors du droit commun, aux productions des auteurs. L'art n'est ni publicité, ni communication, ni technique, et le relativisme juridique contemporain menace la protection des oeuvres et la liberté de création.
La Cour de cassation a dénié à Daniel Spoerri sa qualité d'auteur d'un de ses «tableaux-piè