Qui aurait dit, voici trente ans, que Beaubourg finirait par susciter cette tendresse lasse qu'on a pour les choses qui ont toujours été là sans qu'on ne se demande plus pourquoi diantre elles y sont ? Autre météorite de métal chue au royaume de la pierre de taille, la tour Eiffel provoque chez le flâneur parisien les mêmes sentiments. Mais le projet fondateur de la Tour était magnifique d'inutilité, alors que Beaubourg a été pensé comme un monument à programme. D'où, question inévitable : l'a-t-il rempli ?
Chacun des départements de Beaubourg est, à sa manière, un succès. Le musée a mis l'art moderne de plain-pied avec le grand public cultivé, ce qui n'était pas le cas en 1977, et lui offre un échantillon raisonnable de la création contemporaine. Les longues queues devant la bibliothèque démontrent son utilité. L'Ircam s'est taillé une réputation d'excellence dans le domaine musical, et le Centre de création industrielle a imposé la réflexion sur le design à une culture plutôt rétive à son égard. Mais l'idée que ces activités pouvaient communiquer entre elles est restée lettre morte. La pluridisciplinarité n'a pas mieux fonctionné à Beaubourg qu'ailleurs, mais la coexistence géographique en son sein, plutôt amusante en elle-même, vaut bien la glorieuse solitude du Palais de Tokyo, pour rester dans le domaine plastique.
Beaubourg se voulait une réplique parisienne au MoMa (fondé en... 1929). C'est réussi. Reste à trouver une réplique aussi originale au New Museum d'art contemp