Au soir du premier tour, Le Pen aura-t-il rétrogradé, de la deuxième place qui était la sienne le 21 avril 2002 à la quatrième, Bayrou venant s'intercaler entre lui et le duo de tête, ainsi que le pronostiquent aujourd'hui les instituts de sondage ? Il serait aventureux de le tenir pour assuré, même si l'avance dont sont crédités Royal et Sarkozy semble suffisante pour résister à une éventuelle érosion au cours des deux mois qui restent avant le scrutin. Le Pen doit d'ailleurs affronter un problème nouveau, la concurrence de Sarkozy sur le terrain sécuritaire et celle de Bayrou du côté de ceux que séduisent les sirènes du «ni droite ni gauche», variante polie du fameux «tous pourris» dont l'extrême droite fait ses choux gras. Mais, fréquemment sous-estimé avant une élection, Le Pen pourrait à nouveau faire mentir les sondages et confirmer son incrustation dans le paysage politique français. Il s'en donne les moyens en se fabriquant un visage moins grimaçant que par le passé.
L'entendre se dire «de centre droit» porterait à rire s'il ne fallait y voir une part de vérité : si Le Pen n'a guère bougé, le paysage politique français s'est bien, lui, déplacé vers la droite. Même si Royal et Sarkozy sont obligés d'ouvrir leur compas pour ratisser large, il est clair que l'axe de leur campagne respective est plus à droite que celui de Jospin pour la première ou de Chirac pour le second. Ce glissement permet de soupçonner dans l'attitude de Le Pen une manière de prendre date non