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Libération
Éditorial

Allégresse

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publié le 7 mars 2007 à 6h30

«La guerre du Golfe n'a pas eu lieu», a-t-il eu le culot d'écrire quand tous les téléspectateurs avaient encore dans les yeux l'imposante mobilisation militaire de Tempête du désert et dans les oreilles les proclamations de victoire américaine. L'homme qui écrivait cela ne pouvait être qu'un fou ou un provocateur. Mais Baudrillard n'était ni l'un ni l'autre. Il avait toute sa raison et avait débusqué depuis longtemps dans l'attitude provocatrice le dernier refuge de l'esprit de sérieux, toujours un peu solidaire de ce qu'il dénonce. Son dédain pour la société telle qu'il l'avait vue évoluer lui interdisait l'attitude de l'imprécateur, malgré la virulence de ses critiques. Il était resté trop nietzschéen pour avoir oublié qu'il n'est pas plus menteur que l'homme indigné. S'il ne tenait pas à la métaphysique de la vérité ­ d'où ses réflexions sur le simulacre ou les clones ­, il n'aimait pas mentir ou qu'on mente ni, surtout peut-être, qu'on se mente.

«Pataphysicien à 20 ans ; situationniste à 30 ; utopiste à 40 ans ; transversal à 50 ; viral et métaleptique à 60», ainsi résumait-il son évolution. Ce qui est presque un cercle parfait ­ donc vicieux au regard de la vertu. Le discours du bien était d'ailleurs celui dont il pensait le plus de mal. De fait, dans le dernier quart de siècle, Baudrillard a retrouvé une sorte d'allégresse sarcastique proche des pulsions de Jarry. Toutefois, il s'est tenu essentiellement sur le terrain de l'analyse conceptuelle de la réali