Le cadet a trahi, son aîné l'a maudit : ils se sont tant haïs qu'on en oublierait presque qu'en trente ans de vie politique commune Nicolas Sarkozy et Jacques Chirac se sont surtout beaucoup servis. Occupé à sculpter sa légende, celle d'un Petit Chose du chiraquisme méprisé par son mentor, le nouveau chef de l'Etat rechigne à reconnaître tout ce qu'il doit à son prédécesseur. L'Elysée était à ce prix : pour l'atteindre, mieux valait se peindre en rival turbulent qu'en sage héritier. Depuis son ralliement intempestif au panache balladurien, en 1993, Sarkozy n'a eu de cesse de provoquer Chirac, tout en quémandant ses faveurs et gestes d'affection. Il s'est construit en l'affrontant, signe que l'élu de Corrèze est bien le père politique de celui de Neuilly.
Certes, la nouvelle synthèse des droites que porte Sarkozy peut préfigurer une «rupture» sur le fond, à travers la remise en cause du «modèle social français», l'affichage de penchants communautaristes ou une inflexion atlantiste de la politique étrangère. Le style des deux hommes diverge aussi : le clinquant du Fouquet's et la culture Tour de France succèdent au pittoresque des Taïnos et à l'exotisme du sumo. Leur parcours, en revanche, relève de la gémellité. Energie, frénésie, cynisme, Sarkozy a beaucoup copié. Le modèle, épaté par le culot de son disciple, a su en reconnaître les mérites, et, souvent, les récompenser. Chirac a même protégé Sarkozy de son principal démon : la boulimie du pouvoir. Il lui a ref