Souvent assassins, les clichés ne sont pas pour autant exempts d'une certaine vérité. Depuis des années, Bernard Kouchner en traîne un : «Un tiers mondiste, deux tiers mondain.» Et la figure emblématique des French doctors doit désormais se débrouiller d'un qualificatif moins plaisant et tout aussi caricatural : «traître». Traître à un parti le PS et à une histoire la sienne qui voit un ancien soixante-huitard, ex-militant aux Jeunesses communistes et ministre socialiste pendant une dizaine d'années, accepter d'être le ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy, inquisiteur de «l'héritage de Mai 68» et affichant une droite décomplexée.
Pas de bonne ou de mauvaise victime
La force et la faiblesse du nouveau chef de la diplomatie française, c'est de n'avoir cure de ces attaques ou des moqueries sur son côté «salonnard, beau parleur et léger». Comme si à 67 ans le temps presse assez pour que seule compte la possibilité de réaliser un rêve qui relève à la fois d'un ego hypertrophié et d'une (forte) tendance à «jouer perso»,mais aussi d'une volonté sincère de gérer les conflits du monde, auxquels il a consacré sa vie. Souvent pour le meilleur, parfois pour le pire.
Jeune gastro-entérologue, Bernard Kouchner rencontre pour la première fois l'urgence humanitaire en 1968 au Biafra, où il se rend pour la Croix-Rouge. Guerre et famine : plus d'un million de morts. Il n'y a pas de «bonnes» et de «mauvaises» victimes, et Kouchner ne supporte pas