A Cannes, de mars à mai, les rues sentent le jasmin. Il en existe d'au moins trois sortes. La dernière meurt avec le Festival. Les portraits des acteurs et des metteurs en scène se font ici au bord de la mer, sur des plages aménagées. Les rencontres qu'ils exigent ont le parfum du jasmin : un rien les rend entêtantes. Prises dans une organisation souriante et militaire, elles sont brèves, donc intenses : quelques minutes pour les télés, les radios et la presse considérée comme secondaire, de quarante minutes à une heure pour les journaux que l'entourage d'une célébrité respecte ou souhaite ménager. Cannes ? Du fer dans un bas de soie.
Les modèles les moins accessibles sont les stars hollywoodiennes, qui rappellent les empereurs de Chine. Le moindre de leurs gestes est prévu, organisé et propagé par un essaim d'intermédiaires féroces. Une certaine mélancolie se dégage de leur splendeur minutée. Les rencontres sont des souvenirs immédiats : les portraits ne sont pas des tableaux, mais des croquis. Au mieux, ils saisissent l'inattendu qui ne cesse de pousser, comme une fleur de roche, dans les fissures du dispositif.
Avant de mourir, Romain Gary constatait que la grande vedette de Hollywood n'a «pas de temps pour la réalité : elle n'est pas habituée à la continuité [...] parce que sa vie est faite de petits bouts montés les uns après les autres, trois mois de film, et puis encore trois mois de film et ainsi de suite, et chaque jour, trois minutes de continuité devant les camér