D'un seul coup, le comité Nobel a récompensé plusieurs milliers de scientifiques pour leur contribution à la paix. Dans les labos, nombreux sont ceux qui peuvent estimer, à bon droit, avoir «un petit bout de Nobel», s'amuse le climatologue Jean Jouzel, membre du bureau du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec). Bien sûr, son président actuel, Rajendra Pachauri, un économiste indien aussi courtois que discret, recevra le diplôme décerné par le comité Nobel. Mais la récompense honore surtout l'ensemble des scientifiques qui participent à cet exercice sans précédent dans l'histoire des relations entre laboratoires et palais gouvernementaux. En près de vingt ans d'existence et quatre rapports (1990, 1995, 2001, 2007), le Giec a bousculé les pouvoirs en place, imposé l'apport des scientifiques sur l'agenda diplomatique et économique, éclairé l'opinion publique, instauré un nouveau mode de relations entre expertise et décision.
Rôle décisif. En 1988, lors de sa création par l'ONU et l'Organisation météorologique mondiale, le Giec est chargé d'une mission, présenter un rapport aux gouvernants sur une question qui agite les labos depuis le milieu des années 80 : la transformation de l'atmosphère par les hommes risque-t-elle de se retourner contre eux ? Cette question jusqu'alors un peu académique vient tout juste de prendre une allure beaucoup plus inquiétante.
L'année précédente, l'équipe de Jean Jouzel et Claude Lorius a en effet découvert, dans l