Au cœur des petits cénacles se préparent souvent les grandes polémiques. Dans plusieurs cercles intellectuels, la démocratie se retrouve bizarrement au banc des accusés : il faut s’en soucier, sinon s’en alarmer. Certes ses nouveaux contempteurs, un Badiou, par exemple, dont le livre rencontre un succès inattendu, ou un Žižek, ogre mangeur d’humanistes bêlants, remuent de très vieilles idées. De l’expérience totalitaire, ils ont beaucoup oublié et fort peu appris. Leur critique de la «démocratie formelle» exhale un parfum rance de sacristie marxiste. Leur éloge de la radicalité laisse transparaître une douteuse indulgence pour la violence politique. Pourtant on aurait tort de tenir ces égarements pour quantité négligeable. Pas seulement parce que le frisson de la subversion leur assure une influence parisienne indéniable. Les plus convaincus soutiens du système démocratique ne peuvent pas nier que le régime de leur cœur rencontre un discrédit inquiétant quoique diffus. L’inégalité, l’injustice, qui servent décidément de carburant au mouvement de l’époque, alliées à la vacuité marchande, bouchent l’avenir aux yeux d’une part croissante de la population. La démocratie, qui procure souvent prospérité (relative) et paix civile, est chiche d’espoir et d’enthousiasme. Autant que se gendarmer devant les importuns, les démocrates doivent surtout réinventer l’idée même de progrès. Faute de quoi ils laisseront de plus en plus le champ libre aux nostalgiques des utopies de fer et de s
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