Pour qualifier le style d’Yves Saint Laurent, mixture d’extrême sophistication et de simplicité absolue, Maud Molyneux écrivit dans les colonnes de Libération : «C’est tellement sorcier qu’on pourrait croire qu’ils se sont mis à trois pour créer: Yves, Saint et Laurent.» On ne saurait mieux synthétiser car il y eut bien des vies dans la vie surabondante de Yves Henri Donat Mathieu Saint-Laurent, né le 1er août 1936 à Oran et mort dimanche soir à Paris d’une tumeur au cerveau.
Pour tenter de comprendre le cheminement de cette vie d'exception, il faut se téléporter dans cette Algérie des pieds-noirs de l'immédiate après-guerre quand le jeune Saint-Laurent, timide, maigrichon et myope, doit subir à l'école les plaisanteries de ses camarades que la «différence» du garçon intrigue. Cas classique des cours de récréation où rien ne fait plus peur que l'altérité, Yves devient leur souffre-douleur, le petit pédé maladif qui sèche les cours de gym et ne connaît pas les noms des stars du foot. Il doit sûrement essuyer des coups, pleurer dans son coin et, comme dans les Enfants terribles, être amoureux d'un élève Dargelos inaccessible. A la maison, protégé par une mère terriblement affectueuse, Yves se réfugie dans les magazines de mode venus de la métropole et, déjà, dessine des robes de princesses, réveille la femme qui rêve en lui. Et se venge de son ostracisme en déclarant, à 14 ans, à sa famille médusée, qu'un jour son nom brillera sur les façades des Champ