Correspondance à Athènes. Chara Makryanni est née en 1973, un an juste avant que Chypre ne se déchire en deux avec l'invasion turque du nord de l'île, et a dû quitter sa ville, Famagouste. Elle vit avec le syndrome du réfugié : «Tu viens d'ailleurs et tu as tout perdu, tu dois donc tout faire pour prouver que tu es aussi bien que les autres.» Trimballée de villes en villages dans le sud de l'île, cette fille d'enseignants n'a eu qu'une parole en héritage : «L'éducation, c'est le seul patrimoine que nous nous possédons.» Elle devient donc institutrice Sa première décision d'adulte fut de partir en Grande-Bretagne pour sa thèse : l'Identité nationale dans une patrie partagée : le vécu des enfants. Là, l'îlienne reçoit le monde en pleine figure : ses camarades de chambre viennent des Antilles, ses meilleures amies de Hongkong ou de Malaisie. Mais surtout, toutes ses certitudes s'écroulent le jour où, à la suite à son exposé, son professeur remarque, tranquillement : «C'est ta façon de raconter l'histoire à toi. Un autre Chypriote raconterait une histoire différente.»
Commence alors la deuxième vie de Chara Makryanni, qui part à la recherche du passé des autres et découvre que tout n'est pas noir ou blanc et que l'histoire de Chypre ne se résume pas à un conflit entre les bons Grecs et les méchants Turcs. Chara Makryanni noue des liens avec ses collègues chypriotes turcs de l'autre côté de la ligne verte, au début par mail, par téléphone, par rencont