Il y a certes une logique dans le «bouclier fiscal» abaissé il y a un an par le gouvernement : ne pas prélever à quiconque plus de la moitié de son revenu, serait-il astronomique. Simple application du vieil adage fiscal : trop d'impôt tue l'impôt. Dans une économie ouverte, c'est un fait, l'accroissement du taux réduit l'assiette par l'exil des contribuables. Mais il y a dans ce raisonnement très libéral un talon d'Achille : une fois le principe établi, les plus fortunés échappent, qu'il vente, qu'il pleuve ou qu'il neige sur l'économie, à tout nouvel effort de solidarité.
Du coup, ceux qui ne sont ni pauvres ni riches, ces classes moyennes dont tout gouvernement de droite veut faire sa base naturelle, règlent la totalité de l'addition, comme dans l'affaire du Revenu de solidarité active, judicieuse mesure poussée par Martin Hirsch. Ceux qui n'ont ni la latitude ni le goût de l'exil fiscal sont ainsi mal récompensés de leur choix sarkozien.
La gauche, néanmoins, aurait grand tort de se réjouir de cette mésaventure paradoxale. La compréhensible grogne des classes moyennes se tournerait aussi bien contre elle, tant il est vrai qu'il n'y a pas d'effort social supplémentaire sans prélèvement nouveau, même en «faisant payer les riches». Pour mener une politique volontaire de lutte contre les inégalités, il faut convaincre ces millions de gens qui touchent un revenu régulier de l'amputer quelque peu, alors même qu'ils ont, eux aussi, du mal à joindre les deux bouts. Exercice d'une