Les scientifiques se rangent parfois à l'adage de ma grand-mère : «Faut c'qu'y faut.» En d'autres termes, inutile d'espérer titiller les énergies du big-bang ou sonder l'intimité de la matière avec des bouts de ficelle. Le LHC est un monstre de technologies, dont certaines trouvent là une occasion de dépasser toutes les limites que les budgets ou la pusillanimité des décideurs ordinaires leur imposent. Cet immense anneau, de 27 kilomètres, enterré sous cent mètres de terre (en moyenne) cumule ainsi les records.
En son sein, un tube à vide - plus vide que celui qui règne entre les planètes du système solaire - où les physiciens injecteront simultanément 3 000 «paquets» de cent milliards de proton, soit deux nanogrammes d'hydrogène, par jour. Ces protons vont circuler à 99,999 999 1 % de la vitesse de la lumière et parcourront plus de 11 000 tours d'anneau à la seconde.
Ce niveau d'énergie jamais atteint suppose des technologies sans égales. Le LHC est constitué de près de 10 000 aimants supraconducteurs en niobium-titane. Refroidis à -271,3°C, tout près du zéro absolu, par un système cryogénique à hélium superfluide, ce qui en fait le congélateur le plus froid du système solaire. Ces aimants guident les trajectoires des protons, accélérés par des appareils à radiofréquence. Contraints par les dimensions du tunnel préexistant, les ingénieurs européens, en particulier ceux du centre de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, ont eu l'audace de pousser à des limites ex