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«Libé, ça a pris doucement...»

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Patrice Deslettres, kiosquier, a vendu les tous premiers numéros en 1973.
par Amira Bouziri
publié le 24 mars 2013 à 20h30
(mis à jour le 3 juillet 2013 à 13h58)
Il fait froid, en ce matin de mars. Et c’est derrière le comptoir de son kiosque que nous le rencontrons. Galant, il cède sa place près du chauffage électrique portable installé à ses pieds. Un accessoire indispensable pour qui travaille dans les courants d’air plus de dix heures par jour ; débutant dès l’aube, abaissant sa grille alors que la nuit tombe.
Patrice Deslettres a 65 ans. Il est marchand de journaux à Paris depuis quarante ans. L’un des premiers à avoir vendu Libération en 1973, il raconte sa vie de kiosquier et sa jeunesse de militant libertaire avec passion et cet accent du sud qu’il n’a jamais perdu.

Où Point de vue et Libé se cotoient

La rencontre dure près de deux heures. D'abord parce que Patrice Deslettres est un incorrigible bavard. Ensuite parce qu'il a plein d'histoires à raconter. «Je pourrais écrire un livre tellement j'en ai, des anecdotes !» dit-il dans un grand sourire.

Eternel rieur, c’est quand même avec une certaine ardeur qu’il s’attarde sur la crise que traversent les kiosquiers. Une situation qui l’inquiète : il faisait partie de la centaine de marchands de journaux qui ont fermé pour protester contre la grève des distributeurs de quotidiens.

Son kiosque se situe place Saint-Sulpice dans le VIe arrondissement. Un bel emplacement, dans un quartier huppé, ce qui ne l'empêche pas de constater une nette baisse de fréquentation de la clientèle, en deux ans seulement. Une clientèle qui boude les journaux d'information mais se jette sur Point de vue, magazine people sur l'actualité des familles royales. Une habituée a même appelé Patrice sur son portable pour lui demander s'il était arrivé. «C'est le quartier !» remarque-t-il, philosophe, en raccrochant, avant de repartir sur une longue tirade sur la crise de la presse…

Ce métier, il l’a aimé, même si sa carrière n’a pas commencé sur un coup de foudre. Fin des années 60, alors qu’il travaille à la Société générale dans le tout nouveau service informatique, il décide de reprendre ses études en sociologie à l’Université de Vincennes – aujourd’hui Paris 8-Vincennes-Saint-Denis. Ses horaires de cours ne sont pas co