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Libération
Récit

1984, Big Brother petit joueur

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Libération a 40 ansdossier
On découvre le sida ; Truffaut, Foucault et Michaux disparaissent ; Nouméa et Beyrouth s'embrasent ; en France on défend l'école libre ; l'Ethiopie meurt de faim. Tour d'horizon de l'année 1984.
publié le 21 mai 2013 à 12h01

Voilà trente-cinq ans qu'on la craignait. Ce n'était pas seulement une nouvelle année sur le calendrier, mais un millésime annonciateur d'une teriffiante éternité décrite par George Orwell. L'histoire serait finie et le monde clos sous le regard de Big Brother et la main d'acier de sa toute-puissante police de la pensée. Rien, en vérité, ne se passa comme prévu. Le Big Brother de la réalité n'était qu'un lointain héritier, déjà agonisant.

L'année commençait à peine quand Youri Andropov décéda pour laisser la place à Constantin Tchernenko. Libération salua l'événement d'un titre impertinent mais précis : «L'URSS vous présente ses meilleurs vieux.» Le communisme était mort. De Soljenitsyne à Zinoviev, de Bukovski et Glouzman à Pliouchtch, Guinzburg ou Gorbanevskaïa, le pluralisme des voix dissidentes avait fini par être entendu. Le silence forcé de Sakharov dans son exil de Gorki disait la vérité essentielle sur un système gangrené au-dedans, discrédité au-dehors. La seule question légitime du futur immédiat était posée dans le livre-samizdat de l'historien et dissident Andreï Amalrik : L'URSS survivra-t-elle à 1984 ?

A l'Ouest, on entrait pour de bon cette fois dans les années 80. L'hebdomadaire Newsweek décréta que 1984 serait l'année du yuppie, américanisme forgé sur l'acronyme